dimanche 30 novembre 2008

2012, Angers Ville Cyclable extermine la pauvreté

Ou comment remettre les marges à Leur Place – Petit exercice d’étymologie appliquée

Oulah ! Rien qu’à voir le titre, on sent le film d’auteur.

Anticipation ou pas, je sais pas si j’irai le voir.


Arf !


Bon, trêve de plaisanterie, essayons de nous comprendre.

Où placer les limites de la ville ?


Il n’est pas question ici de contours administratifs. Non. c’est plutôt votre subjectivité que ce billet entend interpeller.

Habitant sur les franges de notre douce cité andégave, l'un de vos serviteurs, lorsqu’il met en mots son intention d’enfourcher son vélo pour rejoindre l’un de ses lieux de sociabilité préférés, dit qu’il « va en ville ». Il y a là clairement un abus de langage, car Angers, à proprement parler, il y vit. Bon, dans son quartier, c'est vrai, il peut, les bons jours, acheter du pain, des clous de cercueil, quelques bières ou une douzaine d’œufs. Il pourrait également se rendre à l’église ou au troquet faire un loto si cela l’intéressait. Vous conviendrez qu’on fait plus riche comme vie sociale.

Ainsi, même s’il ne peut se rendre là où il se trouve déjà, l’emploi de l’expression « aller en ville » présente au moins l’insigne intérêt de rendre compte d’une réalité. Pour exister socialement, il se rend dans le centre-ville, où il peut interagir avec ses pairs, mais également constater que le monde continue de tourner, même s’il lui arrive d'avoir l'impression que c’est sans lui ni ses semblables.

Dans le centre, chacun peut constater que l’existence d’autres catégories d’individus est bien réelle. Bref, le centre-ville, qui se trouve justement au « centre » s’est pour lui substitué à la ville proprement dite dans le rôle historique de lieu de liberté. Parce que les services municipaux et commerciaux nécessaires à la vie dans sa forme actuelle y sont concentrés, mais aussi parce qu’il s’y sent plus à l’aise que dans une galerie commerciale offrant (presque) les mêmes services à ceux qui acceptent d’évoluer dans un cadre approprié et contrôlé par des intérêts privés et mercantiles. Parce qu’il peut y faire ses achats, mais aussi parce qu’il peut ne rien y acheter. Parce qu’il peut simplement y exister, échanger, transcender son altérité.

Ne pouvant s’offrir le luxe d’y vivre dans des conditions qu’il juge acceptable, il peut néanmoins, avec sa bicyclette, s’y rendre à l’occasion. Cela lui coûte d’autant moins que le trajet est le plus souvent agréable. Dans le pire des cas, il prend le bus. Cette dernière solution est cependant tout simplement exclue lorsque, dans un jour particulièrement faste, intéressé par un concert moins underground que ceux organisés par l’étincelle, il doit se rendre au Chabada – c’est vrai, c’est plutôt rare. Et cher. Il lui faudrait en effet alors accepter de faire le trajet du retour à pied. Et là il s’agit d’un autre genre d’expédition. Alors, précisément, il ne lui vient même pas à l’esprit de dire qu’il « va en ville »…


…d’où le titre de ce billet un peu long.


L’au-delà du centre de gravité de la ville, ses marges – auxquelles le quartier du Chabada appartient, constitue une destination uniquement pour ceux qui ont quelque chose à y faire. L’utilité de cet au-delà n’est donc au mieux , pour la majorité de la population, que théorique et ponctuelle. Elle est dans tous les cas relative. Ce qui s’y passe est bien réel, mais n’est pas sensible pour tous.

C’est précisément à cet endroit, juste à côté du haut lieu culturel qu’est le Chabada, que notre municipalité se propose de regrouper, au sein d’une future « cité des solidarités », l’ensemble des associations caritatives à action locale, comme les restaurants du cœur, pour l’instant situés en plein centre-ville, non loin de l’étincelle. Ainsi, Angers centre, lieu où il fait bon vivre pour peu qu’on en ait les moyens, aura exterminé la pauvreté.


Oui, tu as bien lu,


EXTERMINÉ.


(Du latin ex – au-delà – et terminus – frontière).


Angers aura mis la pauvreté, dans ce qu’elle a de visible, au-delà de ses frontières. Dans le même ordre d'idée, l'auteur ne peut qu'engager le lecteur intéressé à jeter un oeil sur le désormais arrière-gardiste Exterminez toutes ces brutes de Sven Lindqvist.

Les nécessiteux d'ores et déjà remis aux bons soins de la charité publique (dont tout laisse à penser qu'ils seront de moins en moins nombreux dans les années à venir, c'est bien connu) n’auront, en tant que tels, plus aucune raison valable, sauf à faire les boutiques, aller au restaurant ou au cinéma, de dégrader le paysage du cœur de ville angevin ni donc d'empiéter sur la qualité de vie de ceux qui ont quelque chose d’important à y faire. (Je t'engage sur ce point à t'arrêter deux minutes pour lire Le Mur, journal mural du SLIP, la prochaine fois que tu traineras tes guêtres dans le quartier Saint-Serge, peut-être apprendras-tu deux trois trucs intéressant sur le "management urbain" que l'on s'applique à déployer dans le centre d'Angers).

Nous assisterons ainsi à la mise en œuvre d’une politique volontariste : l’extermination, la mise hors champ de la pauvreté comme alternative fonctionnelle à la résorption d’inégalités qui se creusent plutôt chaque jour davantage (situation à laquelle, reconnaissons-le, l’équipe municipale ne pourrait mais, même si elle le souhaitait).

Gageons que ce refus de transiger avec la bonne conscience des populations solvables – et donc économiquement utiles – se traduira par un renforcement de la cohésion sociale, des valeurs d'entraide et de solidarité si nécessaires à une vie collective harmonieuse et épanouissante. Le contraire serait proprement inimaginable.


C’est de toutes façons une autre histoire.


Bref, vous l’aurez compris, le titre de ce billet n’a rien à voir avec le fait que ce site ait naguère été celui des abattoirs. Ni avec une quelconque ressemblance des locaux en question, à un ou deux miradors près, avec un centre de transit vers d'improbables camps de regroupement, ressemblance que soi-disant renforcerait la proximité de la voie ferrée.

Non, rien à voir.


...


Au moins les pauvres de la ville pourront-ils aller chercher leurs colis alimentaires à vélo. Peut-être même avec l’un de ceux mis gracieusement à disposition par la ville. Ceux qui ne résident pas à Monplaisir y trouveront l’occasion d’une activité physique accrue qui compensera l'effet néfaste pour leur santé des produits industriels dont ils rempliront chichement leurs sacs.


Ils trouveront d’ailleurs sur le présent blog comment construire à moindre frais une remorque fort utile lors de tels trajets utilitaires.


PS : oui, c’est vrai, la banque alimentaire et le secours populaire, institutions cataplasmes apposées sur la jambe de bois des inégalités structurellement générées par notre belle ultralibéralie, sont déjà implantés hors du champ de vision du citoyen-travailleur lambda. Il n’empêche, un tel regroupement ne va à l'encontre d'aucune des dérives les plus glaçantes de notre société que chacun, s’il s’en donne la peine, peut observer quotidiennement.


Mais au fait, n'est-ce pas en notre nom que les décisions, chaque jour, sont prises et mises en oeuvre ?


crédits photos : Un vélorutionnaire angevin de grande taille pour la première et le magazine Vivre à Angers d'Angers Loire Métropole pour la vue d'ensemble.


mardi 18 novembre 2008

Et en plus, on roule à vélo

Nous aussi, nous avons manifesté dans notre vie,
Nous avons même manifesté contre la guerre et pour la paix dans le monde,
Certains d’entre nous ont même manifesté à l’étranger, et certains aux Etats-Unis,

Nous aussi, nous habitons ou pourrions aimer habiter un village de 300 habitants,
Nous avons même imaginé vivre et habiter à la campagne et devenir épiciers,
Certains d’entre nous aimeraient reprendre une vieille ferme et planter des carottes,

Nous aussi avons des ordinateurs portables et des connexions Internets,
Nous avons même créé des blogs politiques et associatifs,
Certains d’entre nous connaissent même des sites libertaires ou anarchistes,

Nous aussi, nous possédons une carte des chemins de fer et destinations de la SNCF,
Nous avons, pour les plus jeunes, une carte 12-25 ans pour voyager moins cher,
Certains d’entre nous ont même été importunés par les voies ferrés dans leur promenade du dimanche,

Nous aussi, nous avons des livres à la maison,
Nous avons même des livres politiques qui expliquent comment renverser le système capitaliste,
Certains d’entre nous ont même écrit des livres subversifs expliquant comment organiser une action militante

Nous aussi, nous aimons la nature,
Nous avons même toutes et tous pensé faire de l’escalade pour profiter des paysages de montagne,
Certains d’entre nous ont même, dangereux qu’ils sont, des mousquetons et un casque d’escalade,

Nous aussi, nous sommes allés à l’école,
Nous avons même essayé de faire des études, voire beaucoup d’études,
Certains d’entre nous ont même obtenus leur diplôme BAC+5.

Si c'est ça être terroriste, alors nous sommes toutes et tous des terroristes de l’ultra-gauche : Arrêtez-nous !

Les aspirants suspects peuvent se signaler au ministère de l'intérieur en signant la pétition de soutien aux détenus : adressez un mail avec nom, prénom et adresse à lafabrique@lafabrique.fr